samedi 17 juillet 2010

Comment les glaciers influencent-ils le climat ?

                                                                                                             Jean-François Buoncristiani

Un géologue en prélèvement sous le glacier des Bossons.
Dans la vallée de Chamonix, au pied du mont Blanc, une équipe de géologues se relaient depuis un an pour tenter de percer les mystères des glaciers. Ils sont universitaires et doctorants à Strasbourg, Dijon, Chambéry et Grenoble. Tous veulent répondre à ces questions : que se passe-t-il sous le grand manteau de glace de la triomphante montagne ? A quel point les glaciers souffrent-ils du changement climatique ? En sont-ils acteurs ?


"Il est impossible d'aller complètement sous la glace, explique Jean-François Buoncristiani, membre de l'équipe. Nous devons donc analyser l'eau fondue des torrents pour comprendre ce qui se passe." Tous les jours à heure fixe, l'équipe réalise donc des prélèvements dans les torrents et cours d'eau et va gratter la glace. "Nous nous relayons, raconte le maître de conférences de Dijon. Je suis en route pour le camp des Bossons, où je vais remplacer trois étudiants, récupérer et amener au laboratoire les échantillons."

MESURER L'IMPACT DE LA GLACE SUR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

En faisant parler l'eau sortie des glaciers, les géologues veulent comprendre comment la glace érode la montagne. Les scientifiques recensent deux types d'érosion. La première, physique, est perceptible à la fonte des neiges au printemps, quand les torrents de montagne se teintent de gris ou de marron. Ils charrient alors avec eux des petits bouts de roche.

La deuxième est l'érosion chimique. Invisible à l'œil nu, elle consomme du dioxyde de carbone (CO2) et contribue donc à rafraîchir l'atmosphère. "Tout au long de l'histoire de la Terre, l'érosion chimique a joué un rôle majeur dans la régulation du climat", explique Philippe Amiotte Suchet, membre de l'équipe.

Dans certains glaciers comme au pied du mont Blanc, les températures basses accélèreraient ce processus d'érosion. "Plus il fait froid, plus il y a d'érosion, plus il y a de consommation de CO2, et plus il fait froid", poursuit Philippe Amiotte Suchet. "Il y aurait un phénomène d'emballement, de perturbation que nous voulons démontrer", poursuit le scientifique. Cela permettrait de savoir quel rôle jouent les glaciers dans le réchauffement climatique et quelle influence leur fonte aura sur le climat. Moins de glaciers veut dire moins d'érosion, et moins d'érosion moins de consommation de CO2.

                                                                                                         Jean-François Buoncristiani
                                                                                                  
                                           Glacier des Bossons, Mont Blanc.

CONNAÎTRE LES CONSÉQUENCES DU RECUL DES GLACIERS

Actuellement, les glaciers reculent en effet de plus d'un mètre chaque année. En se retirant, ils laissent des roches fragiles, usées par les érosions physique et chimique. "Nous voulons savoir ce qui va se passer avec ces roches, expose Jean-François Buoncristiani. Est-ce qu'il y a des risques d'éboulement, de glissements de terrain ?" Autant de questions essentielles pour les populations habitant près des glaciers.

Le mont Blanc est un terrain d'expérimentation intéressant pour les scientifiques, selon Jean-François Buoncristiani, car "l'eau coule sur du granit, comme c'est le cas pour la majorité des glaciers du monde. Les résultats pourront donc s'exporter".

Les premiers résultats de ces recherches, intégrées à un programme baptisé "ERD Alps" (Erosion and Relief Development in the Alps), devraient être disponibles à la fin de l'année. Les chercheurs doivent rester sur le terrain trois ans, mais souhaitent prolonger leur mission pendant une dizaine d'années. Car la prestigieuse montagne livre ses secrets au goutte-à-goutte.

Judith Duportail

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